je me recouvre de mots. tout ira bien. tout ira bien (les bijoux bleus / blauschmuck) +1

Mockingbird, Eminem

Anna Valenn aime les +1ers romans
Un matin je pose mes pieds dans la neige. L'automne est passé sans que je le remarque, je ne sais pas si les feuilles étaient colorées, combien de temps elles sont restées accrochées aux arbres. Je ne sais pas quand il a commencé à neiger.

Je me souhaite une bonne matinée. Je me fais des compliments pour mon baklava, tu l'as bien réussi, Filiz ! Je suis contente de mes vêtements, tu es une couturière adroite, je prépare le petit-déjeuner, redresse la petite cuiller sur la soucoupe de Yunus et chuchote, merci Filiz ! Pendant la traite je bavarde avec moi-même de la jambe cassée de Seda, guérie depuis longtemps, des pierres précieuses de Leyla et de son ballon disparu, je me fais des déclarations d'amour en lavant le sol, je t'aime Filiz ! Et en allant chercher de l'eau, tu es mon étoile !

Et parfois je dis : J'ai peur.

L'enfant dans mon ventre m'est étranger une menace. Il ne fait rien d'autre que me donner des coups de pied et se nourrit de moi. Il est muet à l'intérieur comme son père l'est à l'extérieur.

Je me recouvre de mots. Tout ira bien. Tout ira bien.

Même si je ne me crois pas.

Tout ira bien.



Les Bijoux bleus / Blauschmuck premier roman de l'autrichienne Katharina Winkler d'après une histoire vraie, traduction Pierrick Steunou; éditions Jacqueline Chambon / Actes Sud. Prix du premier roman étranger 2017. - Filiz vit dans un village turc, son père bat sa mère, c'est ainsi, les femmes reçoivent des coups qui leur font des bijoux bleus. Yunus séduit Filiz. Elle s'enfuit pour l'épouser, elle a 12 ans. Et s'ouvre le bal des violences conjugales. Coups, viols, claustration. Filiz a son premier enfant à 13 ans, puis un deuxième et un troisième. La petite famille quitte la Turquie pour l'Autriche où Yunus a trouvé du travail. 
Un magnifique roman qui se dévore malgré la dureté, rendue soutenable par l'écriture imagée, aérée, de Katharina Winkler. Aussi par l'espoir d'une issue. Et issue il y aura. Ouf !


Je m'endors, parée de bleu profond.

J'apprends entre le linge et les enfants. Circulation à double sens. Seda pleure, elle s'est cognée, je pose la main sur son front. Interdiction de dépasser. Les pleurs de Seda coulent entre poids lourds et trafic fluide.

Je ne connais aucune femme qui apprenne aussi vite, dit le moniteur en faisant mon éloge auprès de Yunus.
Yunus me brise l'annulaire.