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WWhere Have All The Flowers Gone, Jimmy Somerville Anna Valenn aime les +1ers romans |
Devrais-je plutôt leur dire que j'avais envie de mourir; non pas que j'envisageais de me jeter de ce pont, mais je voulais m'endormir pour toujours car il n'y avait aucune excuse pour tuer des femmes, ou même regarder des femmes se faire tuer, ou tuer des hommes pour les mêmes raisons, leur tirer dans le dos, leur tirer dessus plus de fois qu'il est nécessaire afin de s'assurer de les avoir vraiment tués; c'était comme si tu cherchais à tuer tout ce que tu voyais parfois parce que ton âme était rongée par l'acide, puis elle s'envolait. Tu savais qu'il n'y avait aucune excuse pour faire ce que tu étais en train de faire, puisque c'est quelque chose qu'on t'a appris toute ta vie, pourtant tu as continué, et à présent même ta mère est ravie et fière parce que tu as su viser, parce que grâce à toi des gens se sont écroulés pour ne plus jamais se relever, et ouais ils auraient pu te tuer aussi, donc tu te dis, Et alors ? En vérité, cela n'a aucune importance car, finalement, tu as échoué là où tu aurais pu accomplir au moins une chose de bien: l'unique personne que tu avais promis de ramener vivante est morte. Tu as vu toutes sortes de choses mourir, de toutes sortes de façons, et beaucoup plus que tu n'aurais voulu en voir, et toute cette putain de merde ravage ton esprit, mec, sans même que tu t'en rendes compte jusqu'au jour où seuls les animaux te rendent triste, les carcasses de chiens bourrées d'explosifs et de vieux obus, les putains de tripes, et cette puanteur de métal et d'ordures qui brûlent; tu marches, et l'odeur ne te quitte plus, et tu te dis, Comment le métal peut-il brûler à ce point ? Mais d'où viennent tous ces putains de détritus ? Même une fois rentré chez toi, il t'en arrive des relents dans le nez; et puis ce truc que tu avais remarqué, quand la réalité te glissait entre les doigts sans prévenir, ce truc disparaît, et le processus s'inverse ; tu as atteint les tréfonds de ton esprit mais un trou encore plus profond se creuse en toi parce que tout le monde est si content de te revoir, toi, l'assassin, le complice, celui qui, au minimum, porte une putain de part de responsabilité, et tout le monde veut te taper dans le dos, et tu commences à avoir envie de brûler le pays tout entier, tu veux détruire tous les putains de rubans jaunes que tu vois, et tu ne sais pas pourquoi, c'est juste du genre, Je vous emmerde, mais tu t'es engagé volontairement, donc finalement tu t'es doublement fait avoir, donc pourquoi ne pas trouver un endroit où se recroqueviller, et mourir, en endurant le moins de souffrance possible, parce que tu es un lâche et, en vérité, c'est la lâcheté qui t'a mis dans ce pétrin parce que tu voulais être un homme; les autres se moquaient de toi, te poussaient au réfectoire et dans les couloirs du lycée parce que tu aimais lire des livres et de la poésie parfois, et ils te traitaient de pédé, et au fond de toi, tu sais que tu y es allé parce que tu voulais être un homme, et cela n'arrivera jamais désormais, parce que tu es trop lâche, donc finissons-en, pourquoi ne pas trouver un endroit propre et sec et attendre, en faisant en sorte que cela soit le moins douloureux possible, juste attendre de s'endormir pour ne plus se réveiller, et qu'ils aillent tous se faire foutre.
The Yellow Birds, Kevin Powers (YELLOW BIRDS, trad. Emmanuelle et Philippe Aronson pour les éditions Stock, collection La Cosmopolite. - aussi en format poche) - L'horreur de la guerre d'Irak, et l'enfer du retour à la vie civile, décrits par un jeune enrôlé volontaire. Un premier roman éclairant et fort.
Or should I have said that I wanted to die, not in the sense of wanting to throw myself off of that train bridge over there, but more like wanting to be asleep forever because there isn't any making up for killing women or even watching women get killed, or for that matter killing men and shooting them in the back and shooting them more times than necessary to actually kill them and it was like just trying to kill everything you saw sometimes because it felt like there was acid seeping down into your soul and then your soul is gone and knowing from being taught your whole life that there is no making up for what you are doing, you're taught that your whole life, but then even your mother is so happy and proud because you lined up your sight posts and made people crumple and they were not getting up ever and yeah they might have been trying to kill you too, so you say, What are you gonna do?, but really it doesn't matter because by the end you failed at the one good thing you could have done, the one person you promised would live is dead, and you have seen all things die in more manners than you'd like to recall and for a while the whole thing fucking ravaged your spirit like some deep-down shit, man, that you didn't even realize you had until only the animals made you sad, the husks of dogs filled with explosives and old arty shells and the fucking guts and everything stinking like metal and burning garbage and you walk around and the smell is deep down into you now and you say, How can metal be so on fire? and Where is all this fucking trash coming from? and even back home you're getting whiffs of it and then that thing you started to notice slipping away is gone and now it's becoming inverted, like you have bottomed out in your spirit but yet a deeper hole is being dug because everybody is so fucking happy to see you, the murderer, the fucking accomplice, the at-bare-minimum bearer of some fucking responsibility, and everyone wants to slap you on the back and you start to want to burn the whole goddamn country down, you want to burn every goddamn yellow ribbon in sight, and you can't explain it but it's just like, Fuck you, but then you signed up to go so it's all your fault, really, because you went on purpose, so you are in the end doubly fucked, so why not just find a spot and curl up and die and let's make it as painless as possible because you are a coward and, really, cowardice got you into this mess because you wanted to be a man and people made fun of you and pushed you around in the cafeteria and the hallways in high school because you liked to read books and poems sometimes and they called you a fag and really deep down you know you went because you wanted to be a man and that's never gonna happen now and you're too much of a coward to be a man and get it over with so why not find a clean, dry place and wait out with it hurting as little as possible and just wait to go to sleep and not wake up and fuck'em all.