Note blanche, N'to
Anna Valenn, Le Blog |
- Je suis arrivée en dernier dans ce groupe. J'ai remplacé un bon ami à toi, Victor, et pourtant, vous m'avez intégrée tout de suite. Pour Karl, emménager sur le 93 n'était pas vraiment une bonne nouvelle, mais c'était mon affectation et il savait que je voulais être flic. Un couple d'amis devait nous rejoindre sur la région mais ça ne s'est pas fait. Comme le mari est un ami d'enfance de Karl, on avait pensé à lui proposer d'être le parrain de Malo. Puis le temps passant on a laissé filer et Malo, à sept ans, n'a toujours pas de parrain. Donc, voilà, on se demandait si tu voulais pas nous faire cet honneur.
Sam leva les yeux vers Coste qui le regardait déjà puis, intrigué, se tourna vers Ronan, avant de comprendre que c'était bien à lui qu'on s'adressait.
- Pardon ? bafouilla-t-il.
- T'es là un week-end sur deux à lui réparer son ordi. Vous passez des heures ensemble. Tu lui inventes des programmes, tu lui as refilé ta collection de figurines. Il ne parle que de toi. Et on sait bien avec Karl que tu feras attention à lui mieux que personne.
- Mais bien sûr, railla Ronan. C'est surtout parce que t'es orphelin et que tu fais de la peine. Parce que moi j'aurais pu lui apprendre à se battre et à draguer.
- C'est vrai que, vu comme ça, je commence à regretter notre choix, rétorqua Karl, affligé.
Sam posa sa fourchette pleine de chocolat tandis que Malo restait en apnée, fixant son éventuel futur parrain.
- Alors ? poursuivit Johanna.
- Euh, ouais, bien sûr. Avec plaisir.
Malo fit le tour de la table en courant et lui sauta au cou. Sam l'enlaça de ses grands bras maigres avec une émotion touchante. Si une seule larme coulait, Ronan s'en abreuverait pendant des semaines, à coups de vannes pompeuses et machos.
Surtensions, Olivier Norek aux éd. Michel Lafon, et aussi en Pocket. Olivier Norek est lieutenant de police à la section enquêtes et recherches du SDPJ 93 depuis dix-sept ans. - 3ème enquête du groupe Coste, crime 1 du SDPJ 93 (où l'on apprend que Victor Coste, belle quarantaine poivre et sel, a de larges épaules, et sinon, c'est toujours compliqué, on se demande bien pourquoi, avec Léa Marquant, la médecin légiste de l'institut médico-légal dont Victor est amoureux, et réciproquement). Intrigue complexe, maîtrisée, un roman tendu tendu, infiniment humain et tout à fait brutal et sans concessions. Olivier Norek est un chouette flic écrivain.
Le centre pénitentiaire de Marveil avait connu trois grandes ères. De 1970 à 1990, la prison avait respecté le ratio surveillants/prisonniers et permettait un contrôle interne favorable à la vie en communauté des éléments les plus dangereux de la société. À partir des années 1990 ont commencé en même temps la surpopulation carcérale et les coupes budgétaires. Avec un surveillant pour cent prisonniers, les ennuis devenaient inévitables. Alors les surveillants sont entrés dans la deuxième grande ère de Marveil, celle de la répression. Violente, parfois injuste, constante, autorisée. Par peur, par autoprotection et, dérive oblige, parfois par plaisir. Cette route vers la violence, quand elle est tolérée par la hiérarchie, s'appelle l'effet Lucifer. Des scientifiques et des psys américains ont même mené une expérience avec des étudiants volontaires dans une fac, et ça ne loupe jamais : quand tu as le droit, tu cognes.
Puis vers les années 2000, avec un nombre toujours plus important de prisonniers, des effectifs de surveillants encore plus resserrés et des locaux qui rendraient sélecte la pire des porcheries, est arrivée la dernière et troisième grande période de Marveil. Celle du secret et de l'abandon. La seule mission du surveillant étant de rentrer chez lui en un seul morceau, il n'y avait plus qu'à laisser les détenus s'insulter, se battre, faire du commerce, se droguer et baiser entre eux, avec, comme seule limite morale, le suicide et le meurtre.
Puis vers les années 2000, avec un nombre toujours plus important de prisonniers, des effectifs de surveillants encore plus resserrés et des locaux qui rendraient sélecte la pire des porcheries, est arrivée la dernière et troisième grande période de Marveil. Celle du secret et de l'abandon. La seule mission du surveillant étant de rentrer chez lui en un seul morceau, il n'y avait plus qu'à laisser les détenus s'insulter, se battre, faire du commerce, se droguer et baiser entre eux, avec, comme seule limite morale, le suicide et le meurtre.