stations - entre les lignes

Né quelque part, Maxime le Forestier

Anna Valenn, Le Blog

Le bus qui va jusqu'à la prison de Villepinte passe toutes les heures, pas plus. Un panneau indique que le centre-ville sera a nouveau desservi (il y a eu des caillassages récemment). Dans le bus, tout le monde va à la prison. Vieilles mères chargées de linge comme ânes bâtés, jeunes gazelles qui sentent bon et qui brillent des cheveux au vernis des ongles du pied, mères aux poussettes, petits enfants endormis, très jeunes parfois et parfois plus livides que leur mère. Parfois, visages de la misère, traits tirés, lassitude ou extrême patience, résignation. En face de moi, un petit plus blanc que la porcelaine, ses veines bleues comme une résille sous cette opale. Beaucoup de femmes, quelques lascars. Je me trompe d'arrêt en avance vers un bâtiment qui se révélera être un collège. Banalisation des bâtiments carcéraux. Carcéralisation de l'urbanisme de banlieue ?  C'est un peu pareil, c'est pour les pauvres, tout ça.



Stations (entre les lignes), Jane Sautière chez VerticalesJane Sautière se raconte à travers les moyens de transport qu'elle a empruntés, au gré des ses déménagements et emplois successifs (Elle a été éducatrice en milieu carcéral). Et nous livre ses observations, son regard, ce qui n'est jamais qu'une autre façon de se raconter. Et de nous interroger. C'est fort.


Depuis si longtemps, un petit lapin rose en salopette jaune avertit qu'il ne faut pas placer ses mains sur les portes, "car tu risques de te faire pincer très fort", l'adresse est aux enfants, mais il me semble tout à coup que cette prévenance affectueuse est adressée à nous tous, masse potentielle et indistincte de petits lapins en salopette, trop tôt extraits de notre lit, ensommeillés et capables de se faire pincer très fort par inadvertance.