oui, avec corentine la vie avait du goût (corentine)

Prose Combat, MC Solaar

Anna Valenn, Le Blog
Quel bonheur paisible. Tout s'était déroulé selon ses plans. Et quand sa fille Yvette avait réussi son baccalauréat, Corentine avait pu l'installer à Paris, dans un bel appartement d'où elle pouvait suivre en toute quiétude des études à l'école dentaire de la rue Garancière et devenir chirurgien-dentiste. Elle lui avait acheté des meubles, des beaux vêtements et même un manteau de fourrure. Rien n'était trop beau. Sa fille serait une dame, une bourgeoise. Corentine n'avait pu franchir cette dernière marche de la promotion sociale, sa fille, elle l'obtiendrait.


Corentine, Roselyne Bachelot publiée aux éditions Plon, et en format poche chez Pocket - Magnifique portrait d'Insoumise... Roselyne Bachelot, aujourd'hui Ministre de la Culture, d'une écriture vivante et énergique, rend ici hommage à sa grand-mère, Corentine Sinou, née dans une famille bretonne indigente, de crève-la-faim. 

Une lecture qui donne tous les courages. 


Quelques semaines après son arrivée, elle avait eu la surprise de voir apparaître son père. Un commis, toujours à l'affût des ragots, lui avait appris que Jean Sinou avait reçu la visite du maire de Roudouallec. Celui-ci avait cru qu'il avait placé une de ses filles aînées, mais apprenant qu'il s'agissait de Corentine, âgée seulement de sept ans, il était venu lui rappeler le règlement qui ne permettait la mise en domesticité des enfants qu'à partir de dix ans.

Marie-Louise avait été furieuse de la demande comme de la décision de son mari d'obtempérer. Alors, Jean Sinou, penaud, était venu chercher sa fille. Lui qui pensait sans doute être accueilli avec des cris de joie, en fut pour sa honte. Corentine le toisa et lui lança sèchement :

Gall' 'rit mont kuit, ma zad, amañ e tebran ma gwalc'h. Tu peux repartir, père, ici, je mange à ma faim.