sémi

Qui sème le vent récolte le tempo, MC Solaar 

Anna Valenn, Le Blog
Nous arrivons à l'arrêt du bus. Il n'y a personne. On doit attendre quinze minutes pour le prochain. Le soleil brille encore. Nous restons à l'ombre d'un grand pin.

-Jiii... jiii... jiii... Une cigale stridule. Fujiko lève les yeux vers le haut de l'arbre :

- Cet abura-zémi est tout seul.

Nous nous taisons. Au bout d'un moment, je lui demande :

- Comment un si petit insecte peut-il crier si fort ?

- Il ne crie pas, Tetsuo-san. Il frotte ses ailes et ça fait vibrer son ventre, comme un diapason.

- Ah bon ? Je ne savais pas.

Je suis frappé par son explication précise.

Elle reprend :

Il tente d'attirer une femelle. Espérons qu'il en trouvera une.

- Les cigales qui chantent sont-elles des mâles ?

Fujiko hoche la tête. Je continue :

- Ces insectes sont donc comme nous. Ils se rencontrent pour se reproduire.

Elle ne réagit pas. Je songe à ce qu'elle m'a appris à propos des abura-zémi. Ces cigales vivent sous terre cinq ou six ans, puis un mois à l'air si elles ont de la chance. Un mois c'est court, mais cela équivaut peut-être à quatre-vingts ans pour un humain. Fujiko scrute de nouveau le haut de l'arbre :

- Cette cigale mourra bientôt.

- C'est la vie. Nous sommes pareils.

Elle murmure :

- Tetsuo-san...

- Oui ?

- On n'est pas des cigales. Je ne veux pas que nous nous mariions seulement pour avoir des enfants.

- Bien sûr, Fujiko-san !


Sémi, Aki Shimazaki chez Leméac/Actes Sud  Comment parler de la terrifiante maladie d'Alzheimer avec poésie, et la faire accepter ? Aki Shimazaki dans ce roman-ci  réussit l'exploit, ce qui n'étonnera pas les fans de cet écrivaine nippone, qui vit au Canada et écrit en français des histoires japonaises par série de cinq romans tissés l'un avec les quatre autres. Sémi ouvre une nouvelle série.