changer l'eau des fleurs

Du hast den Farbfilm vergessen, Nina Hagen

Anna Valenn, Le Blog
Je me lève et j'éteins la radio.
- Qui est là ?
Une voix masculine hésite et me répond :
- Excusez-moi madame, j'ai vu de la lumière.
Je l'entends frotter ses pieds sous le paillasson.
-J'ai des questions à propos de quelqu'un qui repose dans le cimetière.
Je pourras lui dire de revenir à 8 heures, à l'ouverture.
- Deux minutes, j'arrive !
Je monte dans ma chambre et ouvre la penderie hiver pour enfiler une robe de chambre. J'ai deux penderies. Une que j'appelle "hiver", l'autres "été". Cela n'a rien à voir avec les saisons mais avec les circonstances. La penderie hiver ne contient que des vêtement classiques et sombres, elle est destinée aux autres. La penderie été ne contient que des vêtements clairs et colorés, elle m'est destinée. Je porte l'été sous l'hiver, et j'ôte l'hiver quand je suis toute seule.
J'enfile donc une robe de chambre grise matelassée par-dessus mon déshabillé en soie rose. Je redescends ouvrir la porte et découvre un homme d'environ quarante ans. Je ne vois d'abord que ses yeux noirs qui me fixent.
- Bonjour, excusez-moi de vous déranger si tôt.
Il fait encore sombre et froid. Derrière lui, je vois que la nuit a déposé une couche de givre. De la vapeur sort de sa bouche comme s'il tirait des taffes dans le jour qui se lève. Il sent le tabac, la cannelle et la vanille.
Je suis incapable de prononcer un mot. Comme si je retrouvais quelqu'un perdu de vue. Je pense qu'il fait irruption chez moi trop tard. Que s'il avait pu arriver sur le pas de ma porte il y a vingt ans, tout aurait été différent. Pourquoi je me dis ça ? Parce que cela fait des années que personne n'a frappé à ma porte côté rue à part des gosses bourrés ? Que tous mes visiteurs arrivent par le cimetière ?


Changer l'eau des fleurs, Valérie Perrin chez Albin Michel  - Violette tire son prénom de sa couleur à la naissance, sous X. Sa vie est une suite de tragédies jusqu'à ce qu'elle devienne gardienne de cimetière, et offre du réconfort à ceux qui enterrent leurs morts. 
Un roman divertissant, mais sans plus, sur la résilience.