"parce que c'était bon" (le restaurant de l'amour retrouvé / shokudô katatsumuri) +1

Coeur croisé, Polo & Pan
Anna Valenn aime les +1ers romans
Il arrivait plein de choses positives, aussi. Avec l'approche du printemps, Kuma recevait chaque jour sur son téléphone portable plusieurs demandes d'information ou de réservation.

"Momo, la lycéenne qui, l'année précédente, avait économisé en faisant des petits boulots pour venir à L'Escargot déclarer sa flamme au garçon qu'elle aimait, est revenue avec lui "parce que c'était bon", l'agriculteur et la prof, le premier couple de jeunes mariés de L'Escargot venus me montrer les photos de leurs noces, la Favorite a amené son petit ami plus jeune qu'elle, et la petite Kozue est venue dîner avec sa mère et son lapin pendant que son père était en déplacement.

Au début, à l'époque de la rumeur fantaisiste selon laquelle "en mangeant à L'Escargot, on voyait ses vœux réalisés et ses amours  comblées", pour tout dire, pas mal de clients étaient venus par curiosité, mais depuis quelques temps, lorsqu'apèrs avoir goûté à ma cuisine ils disaient qu'ils reviendraient, c'étaient réellement les saveurs qui leur plaisaient, et ils venaient ici comme dans un restaurant normal. Un chef cuisinier ne pouvait espérer mieux, c'était un véritable honneur. 


Le Restaurant de l'amour retrouvé, Ito Ogawa titre original Shokudô Katatsumuri, traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako, aux éditions Philippe Picquier - Rinco, 25 ans, est cuisinière. Un soir, elle rentre, après une journée de travail, dans l'appartement qu'elle partage avec son petit ami indien, pour le trouver vide, vidé aussi de tous ses précieux ustensiles de cuisine - et l'amoureux indien évaporé. Elle en perd la voix. Et n'a d'autre choix que de s'en retourner chez sa mère qui tient le bar du village, village et mère quittés dix ans plus tôt pour la grande ville - Rinco n'a pas de père. 

Premier roman de Ito Ogawa, auteur de livres pour enfants, et de chansons, Le Restaurant de l'amour retrouvé est un joli conte familial qui donne faim.



J'ai remarqué que derrière les vitres, la nuit était déjà tombée.

À l'entrée du sentier qui menait au figuier, un oiseau au chant curieux lançait des trilles aigus, comme s'il m'encourageait. Ouvrant doucement la fenêtre, j'ai aperçu l'oiseau au plumage bleu de cobalt qui s'envolait gracieusement en direction de la lune. Un martin pêcheur, peut-être.

À côté d'un croissant de lune parfait, l'étoile de Vénus brillait, imposante. On aurait dit le drapeau turc. Cela m'a rappelé l'époque où je travaillais dans un restaurant turc.

Pendant combien de temps ai-je contemplé le ciel étoilé ?

Au bout d'un moment, un tintement de vaisselle a retenti et j'ai jeté un coup d'oeil dans la salle, derrière le rideau : la Favorite, couteau et fourchette à la main, s'apprêtait à porter lentement à sa bouche un morceau de pomme en saumure. En regardant avec attention, j'ai constaté que le niveau de son apéritif avait légèrement baissé.

J'ai immédiatement préparé une assiette pour dresser le carpaccio d'huîtres et d'amadai.

J'ai mis des gants de travail et j'ai ouvert les coquilles avec le couteau idoine, révélant de grosses huîtres bien charnues. Je les ai disposées telles quelles, sans assaisonnement, sur une assiette blanche. J'ai apprêté le carpaccio d'amadai à côté. Le poisson avait mariné environ une demi-journée avec des algues kombu, je l'ai salé et j'ai ajouté un filet d'huile d'olive. Une fois l'assiette servie, je me suis enfin attelée à la préparation du plat suivant, le samgyetang.

J'ai posé le poulet mitonné dans la soupe sur la planche à découper et, avec un couteau, je l'ai débité en gros morceaux. La grande bardane et le riz gluant dont j'avais farci la volaille laissaient échapper le riche fumet d'un succulent bouillon. Rien que l'odeur me réchauffait le corps.