Il héla un taxi et s'y engouffra.
- Muhajirin*, rue principale.
- C'est long comme rue, rétorqua le chauffeur.
- Au bas de la colline, ce sera très bien.
Adam n'avait plus confiance en personne et aucune envie de donner son adresse précise à un inconnu.
Entre deux mondes est le quatrième roman noir d'Olivier Norek publié aux éditions Michel Lafon. Reportage d'actualité fait roman. Très bien construit et rythmé, humain et ultra-réaliste, la Jungle de Calais comme si vous y étiez, tout sonne vrai et proche. Une fin ouverte, donne à espérer une suite, c'est qu'on s'attache à Bastien et Adam, nos deux flics, l'un français l'autre migrant.
- When ? fit la jeune femme.
Passaro descendit la dune en deux enjambées, suivi par Bastien, un peu plus maladroitement.
Abandonnant la Jungle sous l'oeil témoin témoin et accusateur d'une dizaine de téléphones, ils croisèrent une jeune femme vêtue d'un gilet "Care for Calais", l'une des associations humanitaires locales les mieux intégrées du camp. Elle tenait en main une photo couleur remise par un homme qui, depuis, ne la quittait pas d'un centimètre. C'est un espoir douloureux, presque brûlant que Bastien aperçut dans les yeux de ce dernier. Comme s'il jouait sa vie à présenter une simple photo.
- Je vous dis que je parle le français, s'agaça l'autre.
- Alors, quand ?
- Elles ont dû arriver il y a au moins une semaine.
- Si elles sont bien là, c'est au camp des femmes que nous les trouverons. Attendez, je vais noter leurs noms et on va vérifier ensemble.
Elle sortit un calepin et Adam lui épela, doucement :
- Sarkis. Nora et Maya Sarkis. Ma femme et ma fille.
En les regardant s'éloigner, Bastien pensa à Manon et Jade. Tout cela n'avait aucun sens. Aucune morale.
"Ce job, il se fait en apnée", avait dit Passaro.
* Muhajir, c'est migrant en arabe. Muhajirin, les migrants.