usage 1, académie 0 (au bonheur des fautes)

Out of Time, Blur

Anna Valenn - Think Tank

Quoiqu'il en soit, l'Académie déclarait encore en 2015 considérer que les féminins professeure, recteure, auteure, ingénieure et procureure comme des "babarismes". Ces termes étant désormais employés dans tous les médias, celle qu'on appelle "la vieille dame du quai Conti" semble bien s'être lancée là dans un combat d'arrière-garde. Usage 1, Académie 0. "Il est vrai que, sur les trente-cinq membres de l'Académie, seules cinq femmes portent l'habit vert, sept seulement y ont été élues depuis 1635, la première en 1980 ! Il semble aussi difficile de mélanger les genres que de renoncer à de bonnes vieilles habitudes", fait remarquer Dominique Bona, l'une des cinq porteuses actuelle de l'habit vert.



Au bonheur des fautes Confessions d'une dompteuse de mots, Muriel Gilbert à La librairie Vuibert - Muriel Gilbert est correctrice au journal Le Monde. Elle nous livre ici un joyeux mélange de souvenirs, rappels historiques, réflexions, topos sur difficultés courantes ou amusantes d'orthographe et ponctuation. Un bonbon pour tous les amoureux et défenseurs de notre belle langue française. Et les curieux !
Des "H aplatis", j'en traçais en imagination à
longueur de journée. Entraînée que j'étais à
traquer la faute partout, conditionnée, je
sentais la chatouille du stylo rouge même
quand j'écoutais la radio. Il y a toujours un
moment où l'on annonce le détail de ce que
le ministère de la Santé se propose de faire
"afin de pallier à la pénurie de vaccins contre
la grippe" (le verbe pallier se suffit à lui-même :
on ne pallie pas à quelque chose ; notons par
la même occasion que le palier  de l'escalier,
lui n'a q'un l, même si l'escalier comporte des tas
de marches). Ensuite intervient l'expert "ès Front
national". Re-stylo rouge mental : la préposition
ès fait florès ; certes, elle sonne plus chic que le
banal en... sauf quand elle est employée de 
traviole, ce qui est le cas une fois sur deux : ès
est la contraction de en les, donc un pluriel. Je
ne peux pas consulter mon expert ès orthographe ;
en revanche je peux consulter mon expert ès fautes.



Il fut un temps, paraît-il, où les éditeurs poussaient l'amour de la belle ouvrage jusqu'à faire effectuer trois lectures consécutives de leurs manuscrits.

Je ne crois pas que la chose soit jamais arrivée depuis le début du XXIᵉ siècle. Même les deux lectures qui seraient indispensables sont devenues rarissimes. Pourquoi deux ? D'abord, la première lecture permet de vérifier les faits, les noms, les lieux, la cohérence générale du texte. La seconde se concentre davantage sur l'orthographe et la typographie. On estime qu'un bon correcteur corrige 90% des fautes d'un texte. Nous verrons pourquoi dans le chapitre qui suit. En faisant intervenir un deuxième (bon) correcteur, on atteint un très respectable 99%. Jamais 100%. Il faudrait sans doute examiner l'option dans laquelle on aurait choisi un mauvais correcteur. Nous nous abstiendrons de mettre le nez dans ce guêpier. Malheureusement, quantité d'éditeurs, y compris parmi ceux qui sont considérés comme prestigieux, se passent aujourd'hui joyeusement de correction. Et cela se remarque.