c'est l'odeur du printemps ! (tsubame - le poids des secrets)

Tokyo Kiss, Arthur H 
- Rien n'est plus précieux que la liberté.
N'oublie jamais ça, Yonhi.
Je lui ai demandé timidement pourquoi elle et son mari n'étaient pas retournés dans leur pays après la guerre. Elle m'a dit : "Je suis née dans l'île de Cheju et je l'ai quittée avec mon mari à cause du choléra qui a frappé la population durant l'été 1920. C'était un endroit très pauvre à l'époque. Les gens sont devenus encore plus pauvres. Alors, nous avons décidé d'aller au Japon chercher du travail. Le massacre des Coréens lors du tremblement de terre nous a fait craindre de continuer à vivre au Japon, mais nous ne savions où aller. La vie dans l'île était toujours difficile. Il était hors de question de partir pour le continent. Là-bas, la discrimination contre les gens originaires de l'île était aussi sévère que celle en vigueur au Japon. Alors nous avons décidé de rester ici."

Et à la fin, elle a dit quelque chose que je n'avais jamais imaginé : "Nous avons été sauvés par un policier japonais lors de la crise en 1923." Selon elle, il a protégé quelque trois cents Coréens à son poste. Mille japonais étaient arrivés là-bas en criant que les Coréens avaient jeté du poison dans les puits. Le policier leur a hurlé : "Si c'est vrai, apportez l'eau ici. Je vais la boire !" Il l'a bue réellement. Les gens ont enfin quitté le poste. Sans lui, madame Kim et son mari auraient été tués. Elle a ajouté : "C'est une chance très rare d'avoir rencontré une personne brave comme lui. C'est dommage. Quand même, son existence nous a donné l'espoir de vivre ici, comme celle de l'institutrice japonaise et des autres qui élèvent la voix pour les victimes de ce massacre."

Je m'allonge sur le dos dans l'herbe. Je ne vois que le ciel. Il vente légèrement. Les oiseaux chantent dans l'arbre. Quelle tranquillité ! Je ferme les yeux. Je voudrais rester ainsi longtemps, sans penser à rien.




Tsubame, Aki ShimazakiTome 3 de la pentalogie LE POIDS DES SECRETS publié chez Léméac/Actes Sud ; en format poche Babel. Brève note de lecture bientôt ! (Les romans d'Aki Shimazaki, on en lit un, on les lit tous.)

Un jour, madame Tanaka installe un hibachi devant la porte de l'église. Elle met dedans du charbon de bois et l'allume. Le gril vient d'être placé sur le hibachi. Les enfants entourent madame Tanaka avec curiosité. Le petit garçon lu demande :

- Qu'est-ce que tu fais, Obâchan ?

Elle dit :
- On mange quelque chose de bon !

Elle apporte un filet rempli de gros coquillages. Quelqu'un d'entre nous cire :
Hamaguri !

Madame Tanaka dit :
Exact ! Tu connais bien le nom de ces coquillages. C'est la saison. On en mange chaque année lors de la fête des filles.

Une fille lui demande :

- Pourquoi ?
- Chez les hamaguri, il n'y a que deux parties qui vont exactement ensemble, même si en apparence elles semblent pareilles. On souhaite que les filles puissent rencontrer l'homme idéal pour le reste de leur vie.

Tout le monde ricane. Madama Tanaka dit d'un ton sérieux :
- Après avoir mangé, jouez avec les coquilles et retrouvez les paires originales. Ce n'est pas facile, vous allez vite vous en rendre compte.

Le charbon de bois brûle bien. Les coquillages ouvrent leur bouche l'un après l'autre. Le jus tombe sur le feu. L'odeur appétissante se répand. Le prêtre sort de l'église.

- Ca sent bon ! Qu'est-ce que c'est ?

Le petit garçon répond :
- C'est l'odeur du printemps !

Tout le monde rit.