je suis tombée amoureuse d'un samourai (yamabuki - au coeur du yamato)

Keep On Loving You, Cigarettes After Sex

Anna Valenn, le Feuilleton
Elle raconte doucement son histoire. Je l'écoute avec beaucoup d'intérêt.

Lors de sa retraite, monsieur S. a reçu une somme considérable comme prime de départ de la compagnie où il avait travaillé pendant trente-huit ans. Il lui a dit une chose à laquelle elle ne s'attendait pas.

"Ma chérie, nous avons vécu ensemble plus de trente ans. J'ai travaillé pour nourrir la famille, tu t'es occupée des enfants et de la maison. Je te remercie à nouveau pour tout ce que tu as fait comme femme et mère. Tu pourras garder la moitié de cette somme à ton nom, au lieu de la mettre à notre compte commun.

Maintenant que nos enfants sont tous autonomes, nous sommes de nouveau seuls. Je veux m'assurer que tu désires vraiment continuer notre vie conjugale. Il reste au moins vingt ans devant nous, si nous n'avons pas de graves problèmes de santé. Je crois que c'est le moment d'envisager sérieusement notre avenir à tous deux."

Émue, je demande à madame S. :

- Comment avez-vous réagi ?

- Franchement, j'étais embarrassée. Mon mari devinait bien ce que je pensais : "Je ne suis pas satisfaite de notre relation, mais je continuerai de vivre avec lui jusqu'à la fin."

Monsieur S. était de notre génération. Pendant la guerre, il avait été soldat comme Tsuyoshi, et après, encore soldat, cette fois pour la guerre économique. Travailler, travailler et travailler.


Selon elle, monsieur S. était un peu autoritaire mais très responsable. Il prenait toujours ses décisions pour le bien de ses enfants et de sa femme. C'était un homme de principes. Après tout, elle l'avait épousé simplement parce qu'elle en était amoureuse.

- J'ai décidé de mieux vivre avec lui, dit-elle. A ce moment-là, il m'est venu une idée : ouvrir un café pour étudiants. C'était mon rêve.

Je m'exclame :

- Quelle bonne idée !

Je me rappelle que sa passion était de faire des gâteaux. Ses enfant critiquaient chaque nouvelle recette et elle faisait des progrès. Madame S. me dit :

- J'en ai alors discuté avec lui. Il a accepté après mûre réflexion.

Ainsi, ce couple a travaillé ensemble pendant vingt ans dans son café avant de le vendre voilà cinq ans. Il leur avait fallu plusieurs années pour mettre l'affaire sur la bonne voie. Madame S. ajoute en riant :

- Nous nous entendions mieux que jamais. Nos enfants étaient heureux pour nous, évidemment. Mon mari s'amusait encore plus que moi dans cette aventure ! 



Yamabuki, Aki Shimazaki est le 5ème volet de la pentalogie AU COEUR DU YAMATO publié chez Léméac/Actes Sud ; en format poche Babel. -  Les Aki Shimazaki, on en lit un, on les lit tous, on les lit, on les relit, on les prête, on les offre à ceux qu'on aime.

Aki Shimazaki a l'art de raconter des histoires, autour d'un secret. Elle écrit de manière minimaliste et troublante, une langue franco canado japonaise au charme fou. Elle fonctionne par série de cinq romans liés entre eux, chaque roman éclairant les quatre autres. Expose, en même temps, des points d'Histoire ou particularités de la société japonaise. 

Ici, c'est de mariage qu'il s'agit.



- Pardon ?
- Je ne veux plus me marier par intermédiaire ni par miaï.
Ses yeux s'écarquillent. Je dis d'une seule traite :
- J'attendrai l'arrivée d'un homme qui m'acceptera sans conditions, simplement parce qu'il est amoureux de moi. Et je l'épouserai simplement parce que je suis amoureuse de lui. Sinon, je resterai célibataire.