Anna Valenn, Le Blog |
Maintenant qu'il était adulte, la prison ne l'effrayait plus, sa terreur, c'était la tourmente : le procès, les journaux, les télévisions, la presse envahissant Beauval, traquant sa mère, les gros titres, les interviews des experts, les commentaires des chroniqueurs judiciaires, les photographies, les déclarations des voisins... Il imaginait Emilie bêtifiant face à un objectif de caméra, elle ne se vanterait pas de ce qu'ils avaient fait ensemble. Le maire tenterait de disculper la ville, mais en vain : Beauval avait abrité à la fois la victime et l'assassin à quelques dizaines de mètres de distance, on ferait pleurer Mme Desmedt pour la filmer, elle serait accompagnée de Valentine, trois mioches sur les bras, et on reposerait gravement la question, la sempiternelle question : comment peut-on devenir assassin à douze ans ? Tout le monde adorerait ce fait divers parce que, face à lui, chacun se sentirait merveilleusement normal. La télévision se livrerait à un historique des cas célèbres, remontant aussi loin que le permettraient les archives de la police. Le crime de Beauval exorciserait les velléités de violence de tout un peuple, on pourrait se délecter de placer la faute sous la responsabilité d'un seul, de la satisfaction de voir quelqu'un puni pour une action dont n'importe qui serait capable.
Il grimperait en quelques minutes au firmament des assassins d'anthologie. Il cesserait d'exister.
Il ne serait plus une personne, Anna Valenn, Le Blog deviendrait une marque.
Trois jours et une vie, Pierre Lemaitre chez Albin Michel et en Livre de Poche - Écrit juste après Au revoir là-haut et l'obtention du Goncourt, un huis-clos noir noir noir en milieu rural. Bien oppressant, et tout à fait prenant.