Anna Valenn, Le Blog
|
Elle dans le creux de son épaule, tous deux immobiles, ils goûtent au silence à deux, aux corps arrimés, tu viens d'où, demande Louise, il répond Constantine. C'est où ? En Algérie. C'est loin alors. Pas tant que ça, on a mis un jour et une nuit en bateau, moi aussi avant je pensais que la France c'était loin. C'est comment, là-bas ? Il dit, la ville est construite sur un rocher, entouré par un fleuve extraordinaire. À un endroit, il y a des sources chaudes, elles jaillissent dans des piscines de pierre, tu es comme un roi dans son bain. Au-dessus, des ponts enjambent le fleuve, il y en a six. Le plus haut, c'est le pont Sidi M'cid. Parfois il y a des nuages en dessous. Tu es dans le vide mais tu ne tombes pas. Tu as peur mais rien ne t'arrive. Tu vas d'un point à l'autre, tu traverses le ciel, penses qu'il peut s'écrouler, qu'il va s'écrouler, surtout quand une voiture ou un camion passe, il tremble, tu trembles avec lui. Louise l'interrompt, j'aimerais voir un pont comme ça un jour, tu as tué beaucoup d'Allemands ? Je ne sais pas, je crois, dit Jacob, qui voudrait esquiver les questions de la même manière qu'elle. Il se demande, qu'est-ce qu'on va faire maintenant, s'embrasser, et puis ensuite ?